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étrangères. » En effet, en Espagne et en Italie, ces deux pays classiques, on ne produisait plus et même on ne lisait plus. En Allemagne, Gœthe et Schiller n’avaient pas encore paru, le nom de Lessing commençait à peine à se faire connaître, le mouvement littéraire était presque nul et Smith en donne la raison : « Jamais, dit-il, les Allemands n’ont cultivé leur propre langue ; et, tant que leurs savants conserveront l’habitude de penser et d’écrire dans une autre, il leur sera à peu près impossible, en traitant des sujets délicats, de penser et de s’exprimer d’une manière heureuse et précise. Dans les sciences telles que la médecine, la chimie, l’astronomie, les mathématiques, qui n’exigent que du jugement, du travail et de l’assiduité, où l’on a moins besoin de ce qu’on nomme goût et génie, les Allemands ont eu des succès et ils en ont encore. Les Académies d’Italie, d’Allemagne et même de Russie, produisent des ouvrages qui excitent partout un sentiment de curiosité ; mais il est rare que les écrits d’un seul homme y jettent assez d’éclat pour que les étrangers les recherchent. »

Nous cesserons ici les citations ; mais, comme le lecteur a pu s’en rendre compte par ces extraits que nous avons tenu à lui mettre sous les yeux, cette lettre aux éditeurs de la Revue d’Édimbourg est pleine d’intérêt, non seulement en ce qu’émanant d’Adam Smith, elle contribue à jeter du jour sur ses travaux et son esprit au commencement de sa carrière, mais aussi par elle-même et pour les jugements qu’elle contient. À ce double titre, elle méritait de ne pas être passée sous silence, et l’éclat des grandes œuvres de Smith n’enlève rien à la valeur de ces deux articles de Revue qui, constituent les débuts littéraires du célèbre philosophe.


§ 2. — La Théorie des sentiments moraux.


Ces deux articles de la Revue d’Édimbourg avaient été écrits sous le voile de l’anonyme, mais le professeur de Glasgow préparait alors un travail important sur la morale et c’est avec cette œuvre qu’il voulait se présenter sur la scène littéraire.

Cet ouvrage parut, en 1759, sous le titre de Théorie des sen-