Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/41

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« Ont-ils donc oublié, ces vaincus de la veille,
Ces esclaves d’hier, aujourd’hui vos tyrans,
Que leurs cris de détresse ont frappé mon oreille,
Qu’auprès d’Arminius j’ai marché dans leurs rangs ?
Seule, j’ai rallié leurs peuplades tremblantes ;
Et, de la Germanie armant les défenseurs,
J’ai creusé de mes mains, dans ses neiges sanglantes,
Un lit de mort aux oppresseurs.

« Vengez-moi, justes dieux qui voyez mes outrages.
Puisse le souvenir de mes bienfaits passés
Poursuivre ces ingrats, par l’effroi dispersés !
Puissent les fils d’Odin errants sur les nuages,
Le front chargé d’orages,
La nuit leur apparaître à la lueur des feux !
Et puissent les débris des légions romaines,
Dont j’ai blanchi leurs plaines,
Se lever devant eux !

« Que dis-je ? Rome entière est-elle ensevelie
Dans la poudre de leurs sillons ?
Mon pied, frappant le sein de l’antique Italie,
En fait jaillir des bataillons.
Rome, ne sens-tu pas, au fond de tes entrailles,
S’agiter les froids ossements
Des guerriers citoyens, que tant de funérailles
Ont couchés sous tes monuments ?

« Génois, brisez vos fers ; la mer impatiente
De vous voir secouer un indigne repos,
Se gonfle avec orgueil sous la forêt flottante
Où vous arborez mes drapeaux.

« Veuve des Médicis, renais, noble Florence !
Préfère à ton repos tes droits que je défends ;
Préfère à l’esclavage, où dorment tes enfants,
Ton orageuse indépendance.