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Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/83

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IV

La Sybille


Pouzzole.

 
Marchons, le ciel s’abaisse, et le jour pâlissant
N’est plus à son midi qu’un faible crépuscule ;
Le flot qui vient blanchir les restes du port Jule
Grossit, et sur la cendre expire en gémissant.
Cet orage éloigné que l’Eurus nous ramène
Couvre de ses flancs noirs les pointes de Misène ;
Avançons, et, foulant d’un pied religieux
Ces rivages sacrés que célébra Virgile,
Et d’où Néron chassa la majesté des dieux,
Allons sur l’avenir consulter la Sibylle.

« Ces débris ont pour moi d’invincibles appas, »
Me répond un ami, qu’aux doux travaux d’Apelle,
A Rome, au Vatican son art en vain rappelle ;
« Ils parlent à mes yeux, ils enchaînent mes pas.
« Ces lentisques flétris dont la feuille frissonne ;
« Ces pampres voltigeants et rougis par l’automne,
« Tristes comme les fleurs qui couronnaient les morts,
« Ces frêles cyclamens, fanés à leur naissance,
« Plaisent à ma tristesse, en mêlant sur ces bords
« Le deuil de la nature au deuil de la puissance.

« Où sont ces dais de pourpre élevés pour les jeux,
« Ces troupeaux d’affranchis, ces courtisans avides ?
« Où sont les chars d’airain, les trirèmes rapides,
« Qui du soleil levant réfléchissaient les feux ?
« C’est là que des clairons la bruyante harmonie
« A d’Auguste expirant ranimé l’agonie ;
« Vain remède ! et le sang se glaçait dans son cœur,