Page:Deledda - Ames honnetes.pdf/111

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et le sourire de Lucia, aux splendides yeux noirs, était sans rival.

Et pourtant Gonario Rosa passait de longues heures à contempler Anna.

Le savait elle ? Un fluide mystérieux la pénétrait sans qu’elle en eût conscience. Dans le mélange d’ingénuité et d’intelligence qui était le fond de son esprit, elle comprenait qu’un lien imperceptible se formait entre elle et Gonario, mais elle n’osait rechercher de quelle nature il pouvait être.

Ainsi, en présence du jeune homme elle éprouvait ce vague sentiment de joie et de peur qui est l’aurore de la passion ; lui disparu, avec son visage parfait qui ressemblait à un camée de bronze, et ses yeux pleins de mystère, elle l’oubliait. Tout au plus pensait-elle à lui d’une façon indécise, en des réminiscences de lectures, de scènes qu’il lui semblait avoir vues en songe ou véritablement, à une époque indéterminée. Dans ces moments-là Anna se mêlait aux jeux de Caterina et de ses jeunes frères avec une joie bizarre et des rires tels qu’elle finissait quelquefois par en être suffoquée.

— Pourquoi es-tu si gaie ? lui demandait Sebastiano.