Aller au contenu

Page:Deledda - Ames honnetes.pdf/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Anna sourit en pensant aux plaisanteries qu’elle lui dirait lorsqu’on serait arrivé.

On laissa la grande route pour prendre un chemin de traverse au milieu d’une plaine marécageuse. Là croissaient de très-grands joncs, aux feuilles dorées par le soleil de mai, et leur parfum étrange, mêlé à l’odeur de l’eau stagnante, remplissait l’air. Anna, qui n’avait jamais vu chose plus belle ni plus singulière, retomba dans ses rêveries, pendant que Lucia et Angela babillaient avec le cavalier de leur sœur.

Revenues sur la route, Anna et Lucia mirent leurs chevaux au galop et n’arrêtèrent leur course rapide que lorsqu’elles furent tout-à-fait lasses. Alors elles attendirent en regardant avancer leurs compagnons. Dans la profondeur lumineuse de la plaine, chevaux et cavaliers ressemblaient à de petites taches noires, à des objets minuscules dessinés sur un fond de cristal éblouissant. Les pâturages étaient embaumés du parfum des fleurs, et le blé aux grands épis verts ondoyait sous une caresse invisible.

Jamais Anna n’oublia cette splendide matinée. Elle était encore immobile et extasiée