Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/18

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Ajoutons qu’il y a dans tout ouvrage de poësie deux sortes d’intérêt, celui du sujet et celui de la composition. C’est dans les poëmes du genre de celui que je donne au public, que doit se trouver au plus haut degré l’intérêt de la composition. Là, vous n’offrez au lecteur ni une action qui excite vivement la curiosité, ni des passions qui ébranlent fortement l’ame. Il faut donc suppléer cet intérêt par les détails les plus soignés, et la perfection du style le plus brillant et le plus pur. C’est là qu’il faut que la justesse des idées, la vivacité du coloris, l’abondance des images, le charme de la variété, l’adresse des contrastes, une harmonie enchanteresse, une élégance soutenue, attachent et réveillent continuellement le lecteur. Mais ce mérite demande l’organisation la plus heureuse, le goût le plus exquis, et le travail le plus opiniâtre. Aussi les chefs-d’oeuvres en ce genre sont-ils rares. L’Europe compte deux cents bonnes tragédies : les géorgiques et le poëme de Lucrèce, chez les anciens, sont les seuls monumens du second genre ; et, tandis que les tragédies d’Ennius, de Pacuvius, la Médée même d’Ovide, ont péri, l’antiquité nous a transmis ces deux poëmes,