Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/76

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est plus mon fils que n’importe quel autre. C’est celui que j’aime le plus parfaitement.

C’est celui que je connais le moins, car je ne sais pas ce qu’il veut ni peut-être ce qu’il est. Je pense qu’il est ma continuation. Quand je m’étonne de ses caprices ou de ses violences déconcertantes, je m’oblige à me rappeler qu’autrefois j’étonnais mon entourage par le même désordre extérieur : on s’y est habitué depuis.

Il est d’une fougue moins rude que les autres. Plus brutal peut-être, mais sous l’empire d’un idéalisme inavoué qui l’exalte et l’emporte. Il est délicat. Il ne ressemble décidément à aucun des autres. Son visage même n’est qu’à lui, avec son incertitude d’adolescent et une sorte de fatigue qui le mûrit.

C’est un bel officier, celui-là. Ce sera un chef. Ce sera un grand général. Je dis qu’il est ma continuation. Il serait plus juste de dire qu’il évoque un grand ancêtre. Que de fois il m’a rappelé Frédéric II.

Avec un siècle et demi de culture, qui le complète.

« Ce n’est pas la même chose. » Pourquoi m’inquiéter de cette petite phrase ? Elle admirait, cette femme, elle jalousait peut-être. Elle ne pouvait comparer son garçonnet avec mon beau cavalier nerveux et intrépide.