Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/191

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Il secoua négativement la tête et, d’un pas lourd, alla s’asseoir dans le fauteuil placé au pied du lit. Alix se releva, baisa le front glacé de son aïeule et s’approcha d’Even. Des larmes coulaient sur son visage très pâle et extrêmement altéré.

— Pauvre chère grand-mère, elle commençait à nous connaître et à nous aimer, et la voilà partie !… Mais elle est paisible et heureuse, désormais, mon oncle…

Un douloureux soupir sortit de la poitrine d’Even.

— Oui, elle a enfin la consolation et le repos qu’elle n’a pu trouver ici, parmi ses enfants… Et cette mort heureuse, chrétienne, c’est à vous qu’elle la doit, Alix !

— Que dites-vous là, mon oncle ? murmura-t-elle avec un geste de protestation. Dieu seul donne une bonne mort…

— Mais ses anges le prient et secondent sa miséricorde, dit-il si bas qu’Alix ne le comprit pas. Allons, ma pauvre enfant, allez ôter vivement vos vêtements mouillés et voir ce que devient Gaétan… Mais comme vous frissonnez ! Montez vite, je vais commander à Rose des boissons chaudes… Où es-tu, Mathurine ?

Une forme sombre se redressa dans la ruelle du lit et une face ruisselante de pleurs apparut. Lentement, Mathurine s’approcha de son jeune maître.

— Pauvre Mathurine, toi aussi tu regrettes celle qui était si bonne et pour laquelle tu t’es tant dévouée !… Mais il faut penser aux vivants, ma bonne fille. Occupe-toi de Mlle Alix, qui est toute grelottante ; va toi-même mettre des habits secs, puis tu reviendras me remplacer un peu ici…

— Mais vous, mon oncle ?… Vos vêtements sont ruisselants !

Il eut un geste d’insouciance :

— J’en ai bien vu d’autres, dans mes courses en

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