— M. Even a répondu à peu près, chère enfant…
Elle secoua la tête avec un mélancolique sourire.
— Je l’ai entendu tirer sa montre… C’est donc que je suis aveugle, conclut-elle avec calme.
— Voyons, que nous racontez-vous là, ma petite ? essaya de protester le docteur.
Mais elle l’interrompit d’un geste de sa main amaigrie.
— Inutile, mon bon docteur, je suis sûre de ce qui m’arrive. Ne redoutez pas pour moi une trop forte émotion, car je suis depuis longtemps préparée à cette éventualité.
— Et c’est notre faute !… la mienne surtout ! s’écria Even dans un élan de douleur. Si nous vous avions entourée de soins, d’affection, il n’en serait pas ainsi…
— Mon oncle… oh ! mon oncle, que dites-vous là ? Pourquoi vous faire ce reproche ? Oh ! je suis si heureuse malgré tout ! dit-elle avec une allégresse contenue.
Le docteur, s’interposant avec autorité, déclara à la jeune fille qu’elle avait déjà beaucoup trop parlé et qu’il ordonnait, pour l’instant, le repos complet.
— Je vous obéis, docteur, dit la jeune fille en laissant retomber sa tête sur l’oreiller, mais donnez-moi au moins des nouvelles de mon grand-père. Comment a-t-il supporté la mort de ma chère grand-mère ?
Le docteur échangea avec Even un regard interrogateur et murmura :
— Dites-lui, cela vaut mieux, je pense.
— Qu’y a-t-il donc ? demanda la jeune fille, qui avait saisi cette minute d’hésitation. Grand-père est-il malade aussi ?
— Vous ne le reverrez plus, Alix, répondit Even avec émotion. Ce pauvre père a été violemment