Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/200

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frappé par la perte de ma mère et, d’autres circonstances aidant, il nous a quittés quelques jours après. Pour votre consolation, je dois ajouter que sa mort a été bien édifiante et qu’il est parti sans regretter la vie, en vous bénissant, Alix, vous dont l’exemple avait lentement touché son âme.

— Pauvre grand-père ! dit-elle avec attendrissement. Et vous, mon oncle, quelle tristesse vous avez dû éprouver à les voir partir tous deux au moment où vous les retrouviez un peu semblables à autrefois !

— De la tristesse, oui, Alix, mais aussi une grande douceur de les voir s’en aller heureux et rassurés vers leur Dieu. N’etaient-ils pas plutôt morts pour moi, pendant ces longues, sombres années de misère et de désespoir, qu’aujourd’hui où ils vivent dans la Lumière et la Vérité ?

— Allons, M. de Regbrenz, j’interdis plus longue conversation, dit le docteur en s’essayant à prendre un air sévère. Dans quelques jours, je serai plus large, je vous le promets, mais, pour aujourd’hui…

— Vous me mettez à la porte, docteur, et je vous obéis, car j’ai hâte de voir notre chère Alix reprendre au milieu de nous sa vie d’autrefois… plus heureuse et plus paisible, je l’espère.

Il se retira, emmenant ses neveux. Quelques instants plus tard, il s’éloigna seul dans la direction de Ker-Mora… La noire petite maison qui avait vu sa déchéance et son morne désespoir était maintenant une solitude, un oratoire austère, où cette âme ressuscitée venait se recueillir devant le crucifix de bois grossier. Là où se trouvaient jadis les livres odieux stigmatisés par Alix — et brûlés le lendemain de l’orageux entretien avec la jeune fille — se voyaient maintenant : saint Augustin, les œuvres des différents docteurs de l’Église, l’Imitation et, en premier lieu, l’Évangile où le converti trouvait une