Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/119

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river… Tous les traits de son caractère se croisent avec la précision des signes d’un calcul : on voit fonctionner avec une régularité de rouage les mobiles qui le font agir. »[1]

Et pourtant les auteurs qui avaient fait de ce personnage doctrinaire et guindé, formé par le parlementarisme de parlottes et le suffrage restreint, un parfait modèle de la banalité officielle, n’ont pas eu le courage de le conduire platement jusqu’au bout de son existence. Au moment de partir pour le duel où il va trouver la mort, l’artiste s’éveille en lui ; il parle en raffiné du tir au pistolet et ne meurt pas sans avoir dit, au moins un instant, des choses délicates et fines.

La création de Villacourt, qui semble romanesque, repose sur l’exacte réalité. En effet, on lit dans le Journal une note du 22 juillet 1857 qui constate « que les derniers Clermont-Tonnerre, réfugiés dans un petit bois qui leur reste près de Saint-Mihiel, ont là dépouillé le noble, presque l’homme, et que ces Clermont-Tonnerre dont un aïeul, au dire de Mme de Sévigné, vendait cinq millions une terre de vingt-deux villages, aujourd’hui vêtus de peaux de bêtes, vivent dans ce bois, peuplent avec les bûcheronnes… »

Tels sont les originaux du portrait de Villacourt. Au reste, une aventure pareille à celle du roman arriva aux auteurs eux-mêmes. Il plut un jour à un quidam de s’affubler de leur nom et les vrais Goncourt se virent obligés de mettre à la raison l’usurpateur.

Mais je reviens au feuilleton de Paul de Saint-Victor : « Les figures secondaires du roman sont de cette touche juste et savante qui creuse la vie à fond et qui l’exprime sans effort. Denoisel, le parisien consommé dans la

  1. Feuilleton de la Presse, 11 avril 1864.