Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/123

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doit vous demander une soirée pour vous la lire. Je demande une invitation pour la soirée.

« Mes amitiés de cœur au gentil ménage.

« Edmond de Goncourt.

« Curieux, curieux ! Y aurait-il, entre nous, des courants de correspondance magnétique ? Je rouvre ma lettre au moment où je reçois la vôtre. Oui, j’irai dîner avec vous dimanche et vous envoie toute la tendre reconnaissance d’un vieux cœur que vous gâtez si bien. »

Après la lecture, avenue de l’Observatoire, commença la passion de la pauvre Renée. Refusée par M. Émile Perrin à la Comédie-Française, par M. Raymond Deslandes au Vaudeville, par M. de la Rounat à l’Odéon, de chaque station nouvelle le drame revenait raccourci. De cinq actes il en vint à quatre, puis à trois. La longue agonie de la jeune fille qui tient la moitié du roman fut tranchée d’un seul coup et remplacée par la rupture d’un anévrisme. Un baiser adressé à Denoisel sortit des lèvres expirantes de Renée, faussant du coup son caractère et apportant, dans la pièce, un élément inattendu de pitié.

Telle fut la dernière toilette que subit Renée avant de paraître au théâtre. M. Porel, nouvellement appelé à la direction de l’Odéon, recueillit l’épave, la monta avec le plus grand soin, et la première représentation eut lieu au mois de novembre 1886. La critique ne lui fut pas favorable. L’affabulation que M. E. de Goncourt, dans la préface de 1875, déclarait secondaire, était un peu vide pour la scène. L’intérêt concentré sur Renée et sur Denoisel se soutenait mal dans de longues conversations faites pour le livre et non pour la rampe. Mais il va de soi que M. H. Céard, qui est un véritable artiste, avait mis, dans cette adaptation, beaucoup de talent et de soin. Maintefois on sentait le roman couler sous la pièce et jaillir.