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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/11

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autrefois et aujourd′hui

qui ne perd jamais ses droits, charme les esprits par des flots d’harmonie, et bien que la lyre d’un Orphée ne se fasse pas entendre, quelques virtuoses s’efforcent de la faire oublier. C’est entre les soubresauts de deux vagues qu’un jeune violoniste de talent, M. Jacques Haakman, met au monde, en l’honneur du Canada, un hymne de circonstance, qui prend de suite le nom de Chant du Damara.

Après avoir franchi les parages toujours agités du Trou du Diable, le Damara arrive en vue du cap Race et des côtes escarpées et désolées de Terre-Neuve. Là il est pris, dans d’épais brouillards pendant près de deux jours, n’avançant que lentement au bruit de la sirène, dont le son rauque et lugubre se fait entendre de nuit comme de jour. Le 15 août on découvre la terre de la Nouvelle-Écosse, dont les côtes relevées sont couvertes de forêts ou de riantes prairies. Quelques heures après, le Damara pénètre dans la profonde baie d’Halifax, franchit le môle et va accoster sans la moindre difficulté aux quais du magnifique bassin naturel qui sert de port à la capitale de la Nouvelle-Écosse.

Sur le pont même du bateau, le maire d’Halifax, M. Mac Kintosh, vient souhaiter la bienvenue aux voyageurs, ainsi que deux délégués de la ville de Québec, MM. Faucher de Saint-Maurice, membre du Parlement, et Tarte, directeur du Canadien, qui ont tenu à saluer leurs frères de France avant même qu’ils eussent mis le pied sur la terre d’Amérique. On nous attend avec impatience à Québec, mais il est impossible de partir le jour de l’arrivée. Le lendemain étant un dimanche, les chemins de fer font relâche, sans se soucier des impatiences des voyageurs, et ce n’est que le lundi soir — car il n’y a qu’un train par jour — que le départ pourra s’effectuer.


Il n’est pas possible d’aborder sur cette terre du Canada sans se reporter par la pensée aux temps glorieux où le drapeau de la vieille monarchie française flottait librement et fièrement sur cet immense territoire. L’histoire du Canada n’a encore que quelques pages, mais combien d’illustres faits d’armes et d’actes héroïques n’y sont-ils pas consignés ! Ces souvenirs sont profondément gravés dans tous les cœurs canadiens ; mais, peut-être, n’est-il pas inutile de rappeler en quelques lignes cette grande épopée de la colonisation du Canada et les diverses phases traversées par ce pays jusqu’au jour où une véritable autonomie lui a été concédée.