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autrefois et aujourd′hui

territoire fut divisé en Haut et en Bas-Canada, chacune de ces provinces ayant deux Chambres. La population du Canada s’élevait alors à 135 000 habitants dont 15 à 20 000 Anglais seulement, presque tous dans le Haut-Canada. Bien que l’élément français eût une immense majorité, la nomination, par la Couronne, d’une majorité anglaise à la Chambre haute du Bas-Canada paralysa toute bonne administration et fut une cause de conflits aussi aigus que fréquents. Les concessions accordées n’étaient plus qu’un leurre. La constitution torturée dans ses textes, les intérêts des Canadiens-Français sans cesse sacrifiés aux intérêts anglais, la mise en pratique d’un système de vexations et de taquineries mesquines amenèrent des protestations sans cesse renouvelées. Les réclamations les plus légitimes étant toujours écartées avec un parti pris systématique, les manifestations de la volonté populaire restant toujours sans résultat, les Canadiens-Français exaspérés firent appel aux armes. Un soulèvement éclata à Montréal le 7 novembre 1837 et se propagea dans tout le Bas-Canada ; mais il fut bientôt réprimé et noyé dans le sang. Ce soulèvement entraîna la suspension de la constitution et de nouvelles mesures de rigueur qui durèrent jusqu’en 1840, époque où le Parlement de la Grande-Bretagne vota l’union des deux provinces. Bien que la population d’origine française fût encore bien supérieure à la population anglaise, les deux races étaient représentées par un nombre égal de députés à l’Assemblée législative. Par ce moyen on espérait étouffer la voix des Canadiens-Français. Aussi ne fut-ce pas sans de grands efforts que l’usage de la langue française pût être maintenu dans les débats parlementaires. Néanmoins les Canadiens-Français, grâce à leur union constante, à leur fermeté et à leur sagesse, rentrèrent peu à peu dans l’exercice de leurs droits. Les passions, si justement excitées, s’apaisèrent enfin.

C’est vers cette époque que l’Angleterre commença à poser en principe l’administration des colonies par elles-mêmes. On peut revendiquer pour le Canada l’honneur de l’idée et de son application, qu’on lui concéda de bonne grâce lorsqu’on s’aperçut qu’il pouvait se gouverner de lui-même sans faire appel au trésor de la Grande Bretagne. Parmi les promoteurs de l’idée d’un Canada vivant par lui-même, il faut citer sir Louis-Hippolyte Lafontaine que le Canada s’honore de compter parmi ses hommes d’État.