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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/18

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au canada et chez les peaux-rouges

le Times était un des échos les plus retentissants, ne demandait rien moins que l’abandon à elles-mêmes de toutes les colonies anglaises. Les libéraux, qui tenaient alors les rênes du gouvernement à Londres, s’ils n’adoptaient pas toutes les théories de cette école, subissaient cependant son influence. C’est sous l’empire de cette influence que le cabinet Gladstone ordonna le retrait des troupes anglaises du Dominion, considérant que, depuis l’acte de confédération, les forces vives du Canada pouvaient facilement être groupées en un seul faisceau pour sa défense. Ce fut en vain que les Canadiens protestèrent contre cette mesure, se croyant complètement abandonnés à leurs faibles forces. L’Angleterre ne voulut rien entendre. Elle fit cependant une concession en consentant à laisser une garnison à Halifax. Les Canadiens comprirent que le jour où ils voudraient être indépendants ils le seraient.

Deux choses ont puissamment contribué, après la cession du Canada, à maintenir chez les colons français le souvenir de leur nationalité et de leur race : c’est la conservation de leur langue et de leur religion.

Après la conquête anglaise, tous les fonctionnaires français, les seigneurs influents, les grands propriétaires ou négociants, quittèrent peu à peu le pays. Le petit commerçant dans les villes et le cultivateur dans les campagnes restèrent seuls attachés au sol qui les faisait vivre. Le clergé catholique, cependant, était en majeure partie demeuré fidèle à son poste. Ce fut lui qui, profitant de sa culture intellectuelle, de son influence morale et de la supériorité de ses lumières, entreprit de rallier autour de sa bannière ces éléments épars et découragés de la race française. À force de patience, de courage et de dévouement, il parvint à ranimer les esprits abattus par les plus cruelles épreuves et, en leur enseignant leurs devoirs, leur indiqua la voie à suivre pour le recouvrement de leurs droits. Grâce à cette influence, aussi légitime que bien entendue du clergé, les Canadiens-Français relevèrent la tête et se firent peu à peu la place à laquelle ils avaient droit. Vers 1780, le clergé avait réparé toutes ses pertes et s’était entièrement reconstitué à l’aide du seul élément canadien.

Aujourd’hui que la lutte est terminée, le clergé ne possède plus cette influence prépondérante qu’il avait dans les jours de deuil et de malheur, mais il est profondément respecté, justement estimé partout,