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autrefois et aujourd′hui

et sa part n’en est pas moins fort belle encore dans l’éducation des jeunes générations.

Les Canadiens-Français sont restés profondément attachés à la religion de leurs pères. Ils n’ont pas eu, il est vrai, de révolutions pour jeter dans leur cœur des semences d’athéisme et d’irréligion. Sans être cléricaux, dans le sens non altéré donné à ce mot, ils sont catholiques sincères et pratiquants, et qui dit, en Amérique, Canadien-Français, dit également catholique. Sans secousses d’aucune sorte, l’Église s’est trouvée séparée de l’État sans le moindre désavantage d’aucun côté. Comme il n’y a pas de budget des cultes, les habitants pourvoient eux-mêmes à l’entretien du clergé. Celui-ci, en dehors des biens qu’il peut avoir, reçoit la dîme que chaque habitant lui remet volontairement et librement. Bien rares sont ceux qui se soustraient à l’accomplissement de ce devoir, au paiement de cette dette qui n’est jamais réclamée par la voie judiciaire.

Les protestants d’origine française sont en nombre infime et sont, du reste, mal vus des Canadiens catholiques qui les considèrent comme des renégats.

Bien plus encore que la religion, la langue française a eu à subir des assauts aussi nombreux que redoutables de la part de ceux qui pensaient, avec juste raison, que sa disparition entraînerait l’absorption complète de l’élément latin dans l’élément anglo-saxon. La capitulation de Montréal, en 1760, ayant omis de stipuler la conservation de la langue française dans les actes officiels, les colons furent en butte à des persécutions sans nombre de la part de leurs vainqueurs qui étouffaient sans cesse les réclamations relatives à l’emploi de cette langue. Lorsqu’en 1790 s’ouvrit la session du premier Parlement, la candidature comme orateur (président) de M. Antoine Panet fut vivement combattue sous prétexte de l’insuffisance de sa connaissance de la langue anglaise. De longs débats, où Papineau fit ses premiers débuts d’orateur, s’engagèrent sur cette question, ainsi que sur celle de savoir s’il convenait de rédiger dans les deux langues les procès–verbaux des séances. La langue française sortit victorieuse de cette lutte parlementaire et acquit droit de cité, à partir de ce jour, dans les assemblées et dans les tribunaux.

Mais le parti anglais n’avait pas déposé les armes.