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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/189

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LES PEAUX-ROUGES

Nous passons encore une fois l’Elbow à gué et suivons à peu près le même chemin que la veille. Cette piste est une des moins désertes des environs de Calgary. Près de la ville nous rencontrons une de ces énormes voitures en forme de cage rectangulaire, qui ne contient pas moins d’une tonne de foin. Plus loin c’est un groupe de cavaliers indiens gravissant une colline au petit galop de leurs chevaux, le fusil posé devant eux, en travers, la chevelure flottante, et profilant sur le sol une gigantesque silhouette dessinée par le soleil levant. Quels beaux cavaliers que ces Peaux-Rouges et quel coup d’œil séduisant que de les voir fendre l’air à toute vitesse dans leurs chatoyants costumes ! Ces Sauvages ont un air de dignité, de noblesse et de grandeur comme on n’en trouve plus que bien rarement, et malgré tous leurs défauts et leur inaptitude à la civilisation (je parle de la nôtre), on se sent pris d’un sentiment de compassion pour cette race fatalement condamnée à bientôt disparaître.

Non loin de la réserve de Sarcis nous apercevons des arbres funéraires dont les branches recèlent encore, selon toute apparence, la dépouille de Sauvages. Ceux-ci ont, en effet, pour principe de ne pas enterrer leurs morts ; ils les enveloppent dans des couvertures et les déposent à peu de hauteur du sol sur les maîtresses branches des arbres, en ayant bien soin de les couvrir de feuillage et de branchages disposés de façon à former une voûte. Près du mort ils placent, entre autres objets, une pipe, du tabac et des allumettes.

Comme tous les peuples, les Sauvages possèdent à un haut degré le culte des morts et, bien que païens, ont en honneur leur religion mêlée de superstitions. Le Soleil et la Lune sont des divinités très répandues, mais certaines nations, comme les Sioux et les Pieds-Noirs, adorent d’une façon particulière le Soleil. Une éclipse est un signe de mauvais augure et annonce l’approche de quelque calamité. En principe les Indiens reconnaissent un Dieu bon et un Dieu mauvais ; un grand Esprit, qui est bon, et un mauvais Esprit, souvent original, bizarre, qui s’incarne dans le tonnerre, les songes, les manitous, les sorciers, les jongleurs. Parmi leurs êtres surnaturels ils placent un Génie, qui tantôt a le pouvoir de commander, quand il s’agit d’une bonne action, tantôt subit une influence supérieure qui le domine, quand il est porté à mal agir. Nombre de légendes cou-