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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/198

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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

même de ces bénéfices en anéantissant entièrement le troupeau. Cette destruction totale est chose rare, mais les pertes partielles sont quelquefois assez importantes pour faire reculer de plusieurs années la marche ascendante du troupeau. Jusqu’ici, l’expédition du bétail et même sa consommation sur place ont été peu considérables ; mais beaucoup de troupeaux se trouvant fortement constitués, le surcroît ne tardera pas à prendre la route de la Colombie, des États-Unis et des vieux pays canadiens.

La station de Cochrane est située près de la rivière de l’Arc (Bow River) dont nous suivons les contours depuis Calgary. Nous voici de nouveau en chemin de fer. Au fur et à mesure que nous approchons des Montagnes Rocheuses, dont les neiges étincellent à l’horizon, la vallée se dessine, et, de chaque côté de notre wagon, les collines se transforment graduellement en montagnes. À Padmore ces montagnes se rapprochent des deux côtés et nous entrons dans les premiers contreforts de la grande chaîne, en passant et repassant sans cesse la rivière de l’Arc. Le jour est sur son déclin quand nous arrivons à Canmore, où le train s’arrête, car on ne traverse pas encore de nuit les Rocheuses.

Le gîte faisant défaut, il nous faut encore camper dans notre wagon. Le lendemain, nous ne nous remettons en route qu’après avoir regardé les premières lueurs de l’aurore se dessiner sur les arêtes neigeuses et les teinter de pourpre comme pourrait le faire un gigantesque incendie. Nous sommes maintenant au cœur du système montagneux. Tantôt ce sont des cimes disparaissant sous une couronne de verdure, tantôt des pics inaccessibles et déchiquetés, tantôt d’énormes masses ayant la forme d’un cône tronqué, ou bien des sommets arrondis. La plupart de ces montagnes sont dénudées par suite de l’escarpement de leurs parois, leur structure est originale et elles affectent en général une couleur gris-cendré. Quelques-unes ont des veines rocheuses de diverses couleurs et se profilant parallèlement en longues lignes horizontales. Parfois ces veines forment un relief régulier et dessinent sur les flancs de la montagne une série d’étages disposés avec une harmonie parfaite. Ces étages servent d’abri à une couche de neige qui enguirlande la montagne avec une régularité mathématique.

Le chemin de fer se fraye facilement un passage en remontant la rivière de l’Arc dont le lit est de moins en moins profond, mais dont les