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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/199

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LES MONTAGNES ROCHEUSES

eaux conservent une pureté de cristal. Jusqu’ici, pas un tunnel, pas de travaux d’art ; à part quelques ponts sur la rivière, la voie, qui ne semble pas monter, est établie aussi simplement que dans la Prairie. Nous arrivons ainsi à la station de Banff. Là, il n’y a pas même de baraque tenant lieu de gare. Le service du chemin de fer est établi dans un wagon placé sur une voie de garage.

Depuis, Banff a changé d’aspect : ses sources sulfureuses, son site grandiose y attirent les touristes qui trouvent à s’y loger autrement qu’à la belle étoile. Comme les États-Unis, le Canada a voulu avoir son Parc national, et ce sont les environs de Banff qui, avec une grâce charmante, formeront le cadre de ce site si vanté.

Plus loin, à Castle-Mountain, on aperçoit sous le feuillage de la vallée une vingtaine de maisons en bois ; mais la plupart sont abandonnées. Jadis cet endroit, qui porte aussi le nom de Silver-City, eut quelque réputation ; on y avait découvert une mine d’argent dont l’exploitation avait été entreprise, mais le filon était médiocre et la population de mineurs abandonna bientôt toutes ses installations qui tombent en ruines aujourd’hui.

La station est dominée par un énorme bloc de granit à deux étages qui représente avec beaucoup d’exactitude un puissant château-fort (Castle-Mountain) du moyen âge, avec ses tours et ses donjons. Son aspect est saisissant et l’on se sent comme écrasé sous cette masse aux parois abruptes et dénudées. Au fond de la vallée, disparaissant sous des massifs de bouleaux et de maigres sapins, se dresse une triple rangée de hauteurs que recouvre, au dernier plan, un blanc manteau de neiges éternelles.

Laggan est la dernière agglomération que nous rencontrons sur le versant de l’Atlantique. Cinq ou six baraquements, plus mal alignés que dans une foire de village, se présentent de front devant la voie ferrée. Une enseigne en toile à demi déchirée, portant la mention : Royal Hôtel, billard-hall, flotte sur la devanture d’une de ces masures, dont les planches mal jointes sont une invite adressée aux courants d’air beaucoup plus qu’aux voyageurs. À côté, l’écriteau d’un hardware (quincaillier), aussi répandu au Nord-Ouest que le plat à barbe dans la patrie de Figaro.

À Laggan, notre train reçoit une forte locomotive à l’arrière, afin