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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/212

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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

Il ne faudrait pas croire que le Canada soit un Éden, même pour les agriculteurs, car, sans un travail persistant et assidu, nul ne pourra atteindre le résultat qu’il convoite. L’émigrant sans aucune ressource, arrive souvent à force de travail et d’épargne à ce qu’on est convenu d’appeler une honnête aisance ; à plus forte raison, celui qui a quelques économies parviendra-t-il facilement à prendre sa place au soleil. La terre ne manque pas au Canada, mais il faut savoir la choisir dans ce pays grand comme l’Europe, qui ne compte encore que 4 millions et demi d’habitants et peut en contenir vingt fois davantage.

De toutes les provinces du Canada, celle de Québec étant la plus française, sera aussi celle où l’émigrant aura le plus la tentation de se fixer. Mais Québec commence déjà à se peupler et toutes les bonnes terres de la vallée du Saint-Laurent sont occupées. Pour en avoir sa part il faudrait les payer assez cher. Il n’y a guère que la région voisine des États-Unis, les cantons de l’Est, où l’émigration, pour un prix assez modique, pourra acquérir des terres. Quant au nord de la province c’est une contrée par trop couverte de forêts pour un émigrant européen. Défricher la forêt est un trop rude labeur pour ce dernier, et seuls des bras canadiens peuvent se livrer efficacement à ce pénible travail.

Aussi est-ce vers l’ouest que l’émigrant devra tourner ses regards. Laissant de côté la province si anglaise d’Ontario où il n’y a guère place pour lui, sauf dans le comté d’Essex, s’il est vigneron, il devra se rendre au Manitoba et au Nord-Ouest qui lui offriront des avantages bien supérieurs à ceux des autres provinces. Si Québec reste enseveli pendant quatre ou cinq mois sous plusieurs pieds de neige, cette neige, au Manitoba et au Nord-Ouest, tombera plus tard, disparaîtra plus tôt et plus rapidement et aura une épaisseur bien inférieure. Dans ces deux provinces, la terre est excellente pour la culture et ne demande d’engrais qu’au bout de vingt ou trente années d’exploitation, des concessions s’y donnent gratuitement et les lots de terres, que le gouvernement met en vente, sont d’un bon marché sans exemple. Là, le cultivateur ne sera pas gêné par ses voisins, il pourra transporter facilement les produits de son exploitation, s’il a soin de ne pas se fixer à trop forte distance des voies de communications et rentrera promptement dans tous ses déboursés.