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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/213

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COLONISATION FRANÇAISE ET AVENIR

L’émigrant qui n’amène point de compagnons fera bien de s’associer à un compatriote ou à un Canadien, sans quoi l’isolement, la tristesse, le découragement pourraient abattre tout son courage. Une famille aura plus de chances de réussite qu’un émigrant isolé, et, à l’inverse de ce qui se passe souvent en France, plus elle sera nombreuse plus elle sera riche, car elle aura plus de bras à consacrer à son établissement dans un pays où la main-d’œuvre est hors de prix par suite du manque de journaliers.

Enfin celui qui voudra faire de l’élevage trouvera, sur les premiers contreforts des Montagnes Rocheuses notamment, un terrain essentiellement favorable sur lequel des ranches prospères sont déjà établis en grand nombre.

Au point de vue de la richesse du sol, de la facilité d’installation, là surtout où il y a des centres français, l’émigrant aura donc tout intérêt à se porter au cœur du Canada. À cela, il faut ajouter un intérêt supérieur : celui du développement de la race française. Le Manitoba, outre ses avantages naturels, aura un jour, par suite de sa position stratégique à égale distance des deux océans, une importance capitale, et la race qui arrivera à y asseoir d’une façon indiscutable sa suprématie, jouira, dans un avenir peut-être éloigné encore, d’une influence prépondérante sur le régime politique de la confédération.

L’élément français ne représente encore qu’une faible minorité au Manitoba et au Nord-Ouest, pays qu’il a découvert et peuplé tout d’abord de ses coureurs de bois ; mais sa résistance à l’envahissement, sa ténacité comme possesseur du sol, sa force d’expansion sont choses trop connues, pour que ses adversaires mêmes n’en arrivent pas à admettre la possibilité de son triomphe numérique sur l’élément britannique. Ce jour-là, le faible lien de suzeraineté qui rattache encore le Dominion à la couronne d’Angleterre aura été rompu, une grande puissance française sera fondée dans l’Amérique du Nord et servira de contrepoids aux cent millions d’Anglo-Saxons, mâtinés de Germains, qui peupleront prochainement les États-Unis. Peut-être l’envahissement de la race canadienne-française, qui a déjà entamé plusieurs États limitrophes de la grande république américaine, amènera-t-il même un refoulement de ceux qui, aujourd’hui, ne parlent que d’absorber les descendants des 65,000 Français, abandonnés jadis sur les bords du