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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/23

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autrefois et aujourd′hui

le contact de la population anglaise a amené l’introduction de tournures de phrases et d’anglicismes de nature à altérer la pureté du langage. Mais il faut rendre cette justice aux Canadiens-Français qu’ils font des efforts pour chasser de leur langue des expressions qui y trouvent trop souvent droit de cité. La plupart des mots techniques de date récente ont d’ailleurs été traduits en français et sont employés dans le langage courant, tandis qu’en France nous acclimatons sans scrupules les mêmes mots étrangers. C’est ainsi que nous disons : rail, wagon, sleeping-car, tramway, ticket, square, tandis qu’au Canada on dit : lisse, char, char dortoir, char urbain, billet, carré.

Sous ce rapport, la langue française est en proie à une véritable invasion contre laquelle on ne saurait trop protester, d’autant plus que, très souvent, c’est uniquement par genre que ces mots anglais prennent place dans la conversation. De ce côté, la supériorité et la raison sont encore du côté des Canadiens.

Mais, si plusieurs écrivains ont jugé le langage des Canadiens-Français après un examen par trop superficiel, il s’en est trouvé d’autres qui ont opiné dans le même sens, sans le moindre examen. M. Benjamin Sulte raconte à ce propos une curieuse anecdote attribuée à un auteur qu’il a la charité de ne pas nommer.


« D’autres, dit-il, sont moins heureux dans leurs conceptions. Le mot raquette, par exemple, n’est employé en France que pour désigner le petit objet avec lequel on lance le volant[1]. Un auteur ayant lu que les Canadiens font, en hiver, des promenades en raquettes, et croyant voir là une faute d’impression, écrivit que, malgré la rigueur de leur climat, les Canadiens se promènent en jaquette. C’est d’autant plus curieux que nous avons l’habitude d’appeler les chemises de nuit jaquettes.


Voilà ce que l’on dit de nous
Dans le vieux pays de nos pères ! »


La conservation de la religion catholique et de la langue française sur les bords du Saint-Laurent a été singulièrement facilitée par l’accroissement prodigieux des Canadiens-Français, accroissement qui est

  1. Au Canada, pour marcher plus facilement sur la neige, on s’attache aux pieds de grandes raquettes, ayant environ 1 mètre de longueur sur 0,40 de largeur