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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/34

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au canada et chez les peaux-rouges

fort difficile et fort coûteux, l’incendie est le moyen le plus usité pour frayer la voie à l’explorateur et au colon. Des forêts brûlent ainsi des journées entières, détruisant en un instant l’œuvre de tout un siècle. Ce mode d’exploitation commence déjà à avoir ses inconvénients et quelques esprits soucieux de l’avenir ont formé tout dernièrement une société de reboisement. En outre, on a inauguré, le 7 mai 1883, ce qu’on appelle la « fête des arbres », pendant laquelle chacun est tenu de planter en terre un jeune rejeton.

Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse forment, avec l’île du Prince-Édouard, ce qu’on appelle les provinces maritimes. C’est dans ces trois provinces que sont dispersés les Acadiens, ces robustes et fiers descendants des premiers colons français débarqués en Amérique. Conquis bientôt par les Anglais, traqués par eux comme des bêtes fauves et déportés sans pitié, au mépris des traites et de toutes les lois de l’humanité, les Acadiens, abandonnés sur les côtes de la Virginie et de la Caroline, périrent presque tous de faim, de chagrin et de misère. Quelques rares survivants purent rentrer en Acadie, mais ils durent renoncer à tout espoir de redevenir Français après le traité de 1763.

Ils étaient alors environ 4,000, dispersés sur une telle étendue de territoire qu’aucune communication n’existait entre plusieurs de leurs groupes et que quelques-uns de ceux-ci ignoraient même l’existence de leurs proches voisins. Comme les Canadiens-Français, et même plus que ceux-ci, ils eurent besoin d’une dose incroyable d’énergie et de volonté pour rester eux-mêmes, c’est-à-dire pour conserver la langue, la religion et les traditions de leurs pères, et cela, malgré l’insuffisance notoire du nombre des prêtres français et l’hostilité non dissimulée du clergé irlandais contre la langue française. Lors du recensement de 1881 ils étaient 108,601, contre 870,696 Anglo-Saxons, donnant ainsi un exemple vraiment surprenant de la prodigieuse fécondité de leur race.

C’est un Américain, le poète Longfellow, qui a immortalisé les Acadiens, dont il a chante les malheurs, tout en flétrissant leurs bourreaux. Ces infortunés n’auraient pas eu d’historien dans leur mère patrie, si, de nos jours, M. E. Rameau de Saint-Père n’avait reconstitué pièce à pièce tous les chaînons de leur histoire.

Les Acadiens sont inégalement répartis dans les trois provinces ; ils sont 41,211 dans la Nouvelle-Écosse sur 387,800 habitants ; 56,631