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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/36

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au canada et chez les peaux-rouges

marée basse, on en fait une ample collecte en le pêchant à la main dans les flaques d’eau où il s’est réfugié. Si, dans ces petits réservoirs formés par la nature, la profondeur de l’eau semble le protéger, il suffit bien souvent, pour en faire la capture, de plonger un bâton que le homard saisit avec ses pinces et ne lâche qu’à grand’peine quand on le retire de l’eau. Telle est l’abondance de ce crustacé que, dans les marchés publics, on le donne facilement pour 2 ou 3 centins ou cents, ce qui équivaut à 10 ou 15 centimes de notre monnaie.

La baie des Chaleurs dépend tout à la fois du Nouveau-Brunswick et de la Gaspésie, extrême partie de la province de Québec. À peine a-t-on franchi la limite de ces provinces que la population change comme par enchantement. Jusqu’ici nous étions en pays foncièrement anglo-saxon et n’entendions guère parler que l’anglais. Tout d’un coup une métamorphose s’opère et la langue de notre patrie résonne agréablement à nos oreilles. À Sainte-Flavie, première station de la province de Québec, où nous ne faisons que passer, le drapeau tricolore flotte à toutes les fenêtres et nous saluons, aux acclamations de la population rangée sur le quai de la gare, le premier pavillon français arboré en notre honneur.

À partir de ce moment, une transformation va s’opérer dans notre façon de voyager. Jusqu’à ce jour, nous avions été reçus courtoisement partout, mais froidement ; les autorités s’étaient, en général, tenues sur la plus grande réserve ; la population, quand elle n’était pas indifférente, ne manifestait que des sentiments de curiosité déplacée. Nous étions en pays anglais. À peine avons-nous pénétré dans la région française que l’accueil le plus chaleureux nous attend. Les autorités viennent nous recevoir officiellement, les municipalités présentent des adresses de bienvenue, la population des campagnes, comme celle des villes, se précipite sur notre passage pour voir des « Français de France » pour écouter leur langage, pour échanger avec eux ne fût-ce que quelques paroles ou seulement même un serrement de main qui, dans sa muette éloquence, réveille profondément en eux le souvenir de leurs ancêtres et le culte de leur patrie d’origine.

Peut-être voudra-t-on voir dans le récit rapide des ovations faites à la délégation française une tendance à l’exagération et même à l’invention ? C’est le contraire qui serait plutôt à supposer ; l’auteur