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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

Joseph-de-Lévis, accoste au bassin de radoub ; puis, reprenant sa route, passe devant la magnifique cascade de Montmorency et débarque ses passagers à la pointe de l’île d’Orléans, dans un charmant cadre de verdure. Là, les délégués sont acclamés une fois de plus par la foule, et pénètrent dans le château de Bel-Air, tout pavoisé de drapeaux en leur honneur, et orné d’inscriptions : BienvenueJacques CartierChamplainCarillonFrance et Canada, afin d’assister au banquet monstre qui leur est offert. Le menu ne compte pas moins de 32 plats de résistance, sans compter les assaisonnements et les sauces. Le canard sauvage à la Huronne alterne avec le bœuf sauté à la Délégué et le filet sauce aux Sorciers avec le pudding Labelle à la Saint-Jérôme.

Pendant tout le repas, la bande ou musique du 9e bataillon de voltigeurs fait entendre son répertoire, et des toasts, aussi chaleureux que multiples, enthousiasment un auditoire si bien préparé à les entendre. Un trait caractéristique : au moment de quitter la table, un Québecquois prend la parole : Un grand bonheur vient de lui arriver, il tient à en faire part aux assistants : sa femme vient de donner le jour à son seizième enfant… Ici l’orateur s’arrête profondément ému, il hésite, il s’embrouille, et tout le monde se demande comment il va finir, lorsqu’un des délégués le repêche en s’écriant vivement : « Buvons tous au dix-septième ! » La situation est sauvée et l’assemblée lève la séance au milieu des bravos.

C’est à la presse de Québec qu’il faut reporter l’honneur de cette manifestation ; c’est elle qui a préparé le banquet, qui a provoqué les réceptions, qui s’est mise avec la plus grande bienveillance et la plus exquise courtoisie à la disposition, non seulement des représentants de la presse française, mais de tous les délégués. À elle donc, encore une fois, merci !

La presse est partout une puissance, et cela se voit surtout au Canada où, par suite du développement et du libre jeu de toutes les institutions parlementaires, la liberté de tout dire et de tout écrire existe au plus haut degré. C’est principalement à l’époque des luttes électorales que les esprits, ordinairement les plus calmes, sont en ébullition. Les candidats adverses remplissent leurs journaux d’attaques vives et mordantes sans oublier les épithètes les plus malsonnantes. Ils se défient, s’injurient à la manière des héros d’Homère et se précipitent avec une