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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/49

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QUÉBEC

ardeur incroyable dans la mêlée où les journalistes les suivent sans hésitation. On est surpris au premier abord des torrents d’injures que les divers organes se déversent les uns sur les autres, mais l’on s’y fait bien vite ; les gros mots se perdent dans la fumée de la bataille et jamais il n’y a de rencontre sur le terrain pour une polémique de ce genre. C’est tout au plus si, par hasard, les tribunaux ont à relever quelque diffamation d’un caractère excessif.

Les journaux canadiens-français sont d’un extrême bon marché. Pour un cent ou un sou (car on dit encore sou au Canada) on a, dans les grandes villes du Bas-Canada, un numéro d’un format aussi étendu que le Temps, de Paris, et d’un caractère typographique fin et serré. Parfois ce numéro est doublé d’un supplément littéraire du même format mis à la disposition de l’acheteur sans aucune augmentation de prix. Grâce à ce bon marché extraordinaire et au degré très avancé de culture intellectuelle chez l’habitant, la presse est fort répandue. Mais ce n’est pas sans de gros sacrifices qu’un journal peut vivre, et la fondation d’une feuille publique n’a jamais passé jusqu’ici, sur les rives du Saint-Laurent, pour être une source de revenus, — au contraire. Mais chaque journal a sa clientèle, clientèle électorale qu’il faut à tout prix ménager, dût l’abonnement en souffrir considérablement.

Comme disposition d’articles et comme rédaction, un journal canadien ne ressemble en rien à un journal français. Ce qui frappe à première vue, ce sont les annonces. On en trouve partout, et à toutes les pages. Souvent les réclames sont habilement intercalées entre des faits divers. Après les annonces, on remarque surtout le roman inséré, non en feuilleton, mais dans le corps du journal, la ligne d’impression ayant parfois la longueur de deux colonnes de journal. Cette disposition typographique est faite en vue de conserver la composition, qui de cette façon sert pour la réimpression du roman en volume. Beaucoup de journaux, en effet, procèdent de cette façon et mettent le volume à la disposition de leurs lecteurs. Généralement l’auteur ne réclame point contre ce mode de procéder. Il ne touche de cette façon aucun droit de propriété littéraire, mais la publicité est faite autour de son nom, il a l’espérance de gagner en renommée ce qu’il perd momentanément en numéraire, et d’attirer l’attention du public sur les ouvrages qu’il a déjà publiés ou qu’il publiera un jour. Grâce à la