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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/50

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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

part importante faite au roman et aux nouvelles littéraires dans chaque journal, le Canadien préfère presque toujours, comme lecture, sa feuille quotidienne, qui le renseigne en même temps sur les événements du jour, et ne fait que bien peu de visites chez les libraires, assez rares d’ailleurs, qui pourraient mettre à sa disposition les publications à la mode.

Par suite de la bonne organisation de leur service télégraphique et de la facilité avec laquelle ils peuvent transmettre leurs dépêches dans toute l’étendue du Canada en ne payant que le quart du tarif ordinaire, les journaux sont fort bien et fort rapidement renseignés sur tous les événements du globe. La différence de méridien, qui établit un retard de 5 heures sur les horloges de Paris et de Londres, permet de donner le soir même les nouvelles de la journée de ces capitales.

Le style des journaux canadiens-français se ressent du contact constant de l’élément anglo-saxon. Des tournures de phrases sentent leur origine britannique, et des anglicismes s’y rencontrent de temps à autre à côté de vieilles expressions françaises, religieusement conservées depuis deux siècles. C’est ainsi qu’on trouve des expressions de ce genre : il est rumeur que ; faire (pratiquer) sa religion ; donner sa résignation (démission) ; céder le pas à la politique due ; le temps marchande un peu, il se chagrine (devient mauvais) ; vaccination compulsoire (obligatoire) ; assault criminel. C’est surtout dans les petites feuilles de province que dominent ces expressions qui, si elles ne sont guère françaises, n’en ont pas moins leur cachet original.

Au temps de la domination française, il n’y avait pas une seule imprimerie. C’est à la fin de 1763 qu’un Écossais de Philadelphie, nommé William Brown, arriva au Canada avec l’intention d’établir « une belle imprimerie dans une place convenable à Québeck », suivant le baragouinage dont il se servait dans ses prospectus, et d’y fonder un journal. Soutenu par les autorités anglaises, Brown amena un « assortiment de nouvelles charactères », parvint à réunir « trois cents souscrivants » et, le 21 juin 1764, fit paraître le premier numéro de la Gazette de Québec, le plus ancien journal du Canada et de l’Amérique, rédigé moitié en français, moitié en anglais. Le français du journal de Brown était un véritable français de pigeon. Durant ces premières années cette feuille, fort inoffensive, ne parlait point de poli-