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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/51

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QUÉBEC

tique, empruntait toutes ses nouvelles aux journaux d’Angleterre et de Philadelphie et ne soufflait pas un mot de ce qui se passait au Canada. Jusqu’en 1778 la Gazette de Québec n’eut pas de concurrent. À cette époque parut, rédigée dans les deux langues, la Gazette de Montréal, fondée par Fleury Mesplet. Elle existe encore, mais est devenue un organe exclusivement anglais. La Gazette de Québec, après une longue existence, est morte d’anémie en 1873, à l’âge de 109 ans.

La première feuille entièrement française parut, en 1779, sous le titre de : Tant pis, tant mieux. Mesplet et un avocat de Montréal, Jotard, en furent les fondateurs. Mais son esprit anti-anglais la fit promptement, quoique malgré elle, passer de vie à trépas (1780), et le gouverneur britannique envoya Mesplet et Jotard peupler les cachots de Québec, qui, à cette époque, se garnissaient rapidement de suspects français. On comprend sans peine qu’un pareil traitement appliqué à la presse ne fut pas sans refroidir sensiblement l’ardeur des Canadiens-Français. Aussi vingt-six années s’écoulèrent avant qu’ils fissent une nouvelle tentative sérieuse. Mais l’accroissement continu de leur race, la mise en pratique assez régulière du régime parlementaire, demandaient autre chose que l’existence des « quêteux », colporteurs de nouvelles et de cancans, espèces de gazettes vivantes, de troubadours de la presse. L’élément français avait besoin d’un organe qui prît la défense de ses intérêts menacés et compromis ; le Canadien fut mis au monde le 22 novembre 1806. Sa devise : « Nos institutions, notre langue et nos lois », résume tout son programme.

Les fondateurs et les premiers directeurs du Canadien furent : Bédard, Blanchet, Planté, Bourdages, Taschereau et d’autres chefs du parti français, dont le Canadien était l’organe attitré. Peu après la création du journal, Papineau en devint le collaborateur, puis Étienne Parent qui passa ensuite directeur et y exerça longtemps son influence.

La « souscription » au nouveau journal eut beaucoup de succès, à l’inverse de ce qui eut lieu pour la Gazette de Québec, qui passait pour vendue aux Anglais et qui, même après quarante ans d’existence, était toujours ce qu’elle s’était vantée d’être autrefois « la plus innocente gazette de la domination britannique ». Le style du Canadien fut d’abord léger, plaisant, mais extrêmement mordant. Les nouvelles,