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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/58

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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

furent appelés Hurons parce qu’ils se rasaient les cheveux de manière à ne laisser sur le sommet de la tête qu’une espèce de crête assez semblable à la hure d’un sanglier. De leur côté les Toudamans avaient été surnommés Iroquois, parce qu’ils terminaient leurs harangues par le mot hiro : j’ai dit, et l’exclamation : koué !

Après une lutte acharnée, les Hurons furent presque exterminés par les Iroquois, qui, de leur côté, furent considérablement affaiblis. Les descendants des Hurons épargnés sont groupés aujourd’hui autour de la Jeune Lorette. Il y a deux siècles ils étaient environ 40,000, actuellement ils ne sont pas 400. Et quel changement prodigieux s’est opéré chez eux !

Le voyageur qui n’a jamais parcouru que des pays civilisés et qui se rend à Lorette pour voir des Sauvages couverts de peaux de bêtes et ornés de plumes, s’expose à ressentir de bien cruelles désillusions. En effet, rien n’est moins sauvage qu’un habitant de Lorette. Depuis leur grand désastre, les Hurons ont subi une métamorphose absolue au contact des colons et des missionnaires. Convertis au catholicisme, civilisés de la façon la plus complète, ils ont contracté avec les blancs des alliances répétées qui ont singulièrement altéré chez eux le type originel qu’aucun n’a pu conserver intact. Beaucoup ont les yeux bleus et de la barbe au menton, ce qui, chez les Sauvages, est le signe indéniable d’une mésalliance. Leur costume est, sauf les jours de fête, le costume des blancs ; leur langue n’est plus parlée, par quelques-uns d’entre eux, que comme une langue morte ; leurs noms, dans la vie réelle, sont ceux qui sont répandus partout : Vincent, Bastien, etc. ; et ce n’est que dans les rares fêtes indiennes encore existantes qu’ils arborent leur nom de guerre ainsi que leur coiffure à plumes.

L’un des chefs de la tribu cumulait naguère ses fonctions de grand sachem avec celles de notaire ! Le chef actuel fabrique des bibelots indiens pour les étrangers. Sa maison est meublée à l’européenne ; dans son salon se trouve un piano à l’usage de la fille de la maison, et sur ce piano, des sonates de Mozart et les partitions en vogue !

Vraiment, on a peine à se figurer un Huron dressant un acte de mariage ou recevant un testament, et une jeune Huronne s’asseyant à son piano pour chanter un air de la Dame blanche ou la légende de Madame Angot. Ce sont là les progrès de la civilisation.