Aller au contenu

Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
montréal

Près de Chicoutimi et jusqu’à la hauteur de la baie des Ha ! Ha ! les rives sont peu élevées, mais à partir de ce dernier point, les collines se transforment en montagnes. Il faudrait un volume pour arriver à décrire toutes les curiosités de cette navigation si pittoresque. Sur la rive gauche, une brèche faite dans les rochers porte le nom de Descente des Femmes, et rappelle un des épisodes des guerres terribles que se faisaient autrefois Hurons et Iroquois. C’est le chemin que suivirent les femmes huronnes à la recherche de leurs guerriers massacrés par leurs impitoyables ennemis. Presque en face, sur l’autre rive, on rase à quelques mètres, le Tableau, grande paroi de rocher lisse sur laquelle un jour ou l’autre on gravera le souvenir de quelque fait mémorable. Plus loin se dresse le cap Éternité qui n’a pas moins de 1,800 pieds d’altitude. Sur un de ses côtés il est complètement à pic et rappelle le rocher de Gibraltar dans sa partie la plus escarpée. Le bateau ralentit sa marche, fait entendre son sifflet dont l’écho se répercute avec une remarquable sonorité, et longe cette énorme paroi, qui vue d’aussi près, n’en paraît que plus écrasante encore. Tout à côté s’élève le cap Trinité, de même aspect, et presque de même hauteur que son voisin, avec lequel il semble partager la garde du Saguenay. C’est le point le plus pittoresque du fleuve, et la vue de ces deux blocs à pic produit une impression difficilement oubliable.

On fait ensuite escale dans la jolie baie de Saint-Jean, où quelques bricks opèrent le chargement d’immenses piles de bois alignées sur le rivage et où l’Union embarque un stock de caisses de bleuets, nom que l’on donne aux myrtilles ; puis on s’arrête à Saint-Barthélemi, à l’embouchure de la rivière au Canard, dans un site sauvage, que la vue d’un grand nombre d’arbres brûlés contribue à rendre effroyablement triste. Le jour est déjà sur son déclin lorsqu’en quittant Tadoussac on rentre dans le Saint-Laurent, et le lendemain au lever de l’aurore, ou pour mieux dire d’un épais brouillard, hôte trop fidèle de ces parages, l’Union se trouve amarrée dans le port de Québec.

Toute la région que nous venons de visiter porte des noms français, et ses habitants sont de race française ; aussi est-on fort étonné, à bord des grands bateaux à vapeur, de n’entendre pour ainsi dire parler qu’anglais, de voir les principales inscriptions, les guides, les cartes, les menus, etc., en langue anglaise. Comme j’en manifestais