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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/65

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MONTRÉAL

lièrement bâtie, dont les habitants nous font si bien les honneurs que plusieurs de nos compagnons, séduits et charmés, oublient complètement le train qui les attend et manquent le départ.

Il commence à faire nuit lorsque les délégués arrivent à Montréal. Dès qu’ils sont descendus des « chars », sans même leur donner le temps de se retourner, le maire, M. Beaugrand, qui est venu les recevoir à la gare avec les échevins, les fait monter en voiture pour les emmener au carré (square) Viger. Le soir, la musique se fait entendre sur cette promenade, qui est le rendez-vous de tout Montréal. À l’arrivée des délégués, tous les assistants se lèvent et poussent trois hourrahs en l’honneur de la France, pendant que la musique, interrompant le concert, joue notre chant national, la Marseillaise, aux applaudissements répétés de la foule. Les hommes agitent leur chapeau, les femmes leur mouchoir, et c’est à grand’peine que les visiteurs peuvent se frayer un passage au milieu des 10 à 12,000 personnes qui les acclament. Le maire présente les délégués à la population et les hourrahs reprennent de plus belle. Tous les visages sont émus en présence d’une ovation aussi touchante et aussi spontanée, et c’est avec une bien douce satisfaction que nous constatons qu’il y a encore un pays où la France, malgré ses malheurs et son isolement, voit ses enfants accueillis avec une sympathie si pleine de cordialité.

Le lendemain de la réception populaire a lieu la réception offerte par la municipalité à l’hôtel de ville. Ce beau et grand bâtiment, qui a toutes les allures d’un palais, est éclairé à giorno. Les murs et les boiseries disparaissent sous les drapeaux et les enseignes de bienvenue. En haut des grands escaliers on lit : Qui vive ?… France !… — Tout homme a deux patries, la sienne et puis la France. Accueillis à leur entrée par la « bande » du 65e bataillon, les délégués sont introduits dans la salle des séances, remplie par une assistance d’élite, dans laquelle les Canadiennes en grande toilette se trouvent en nombre. Les échevins prennent place sur leur siège et le maire, M. Beaugrand, monte à son fauteuil, revêtu de ses insignes d’apparat. D’une figure ouverte, énergique, mais n’excluant pas la bonne humeur, M. Beaugrand rehausse encore, par sa grande taille, le prestige de son manteau écarlate. D’une voix forte et brève, il déclare la séance ouverte et donne lecture de l’adresse de bienvenue, pleine de démonstrations