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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/69

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MONTRÉAL

partie du cimetière n’est point encore aménagée et, par un singulier contraste, a conservé sa végétation primitive ; aussi n’est-on pas surpris de rencontrer des tombes en plein bois.

Non loin de là se trouve le cimetière catholique, très étendu lui aussi, mais moins riche en monuments. On sent tout de suite que ce n’est pas là que reposent les grands seigneurs et les princes de la finance. Un obélisque y a été élevé à la mémoire des victimes de l’insurrection de 1837.

À la sortie du cimetière, on lit ce singulier avis : « Les personnes revenant des funérailles et désirant passer par les avenues sont priées d’ôter leur crêpe. » Ceci rappelle une vieille coutume suivant laquelle la famille du défunt, à l’issue de la cérémonie funèbre, distribuait un voile de deuil à chacun des assistants. Cet usage, qui finissait par devenir fort dispendieux en certaines circonstances, est aujourd’hui tombé en désuétude.

Avant de rentrer en ville nous faisons halte devant un établissement qui, par ses proportions, sinon par sa forme, a tout l’air d’un petit Escurial ; c’est le couvent de Ville–Marie maison-mère des sœurs de Notre-Dame, congrégation fondée, dans les premiers temps de la colonisation, par la sœur Bourgeois, de Troyes. Ce gigantesque bâtiment est à la fois un noviciat et un pensionnat. Celui-ci renferme 250 à 300 jeunes filles et, chose digne de remarque, on compte dans ce nombre un quart de protestantes. Au point de vue des nationalités, plus de la moitié des jeunes filles provient des États-Unis ou de la province anglaise d’Ontario. Cette répartition des élèves dans un établissement foncièrement français, est le plus bel éloge que l’on puisse faire du système d’éducation qui y est suivi.

Situé dans une grande île formée par le Saint-Laurent et l’Outaouais, Montréal est la tête de ligne de la navigation maritime, comme du nouveau chemin de fer du Pacifique, qui réunit les deux océans par une ligne plus courte que celles des États-Unis. Assise, comme Anvers, sur les bords d’un fleuve magnifique, et bordée d’une longue file de quais accessibles aux navires du plus fort tonnage, cette ville se pose en rivale de New-York. Mais le blocus annuel du Saint-Laurent par les glaces doit lui enlever l’espoir de supplanter le premier port de commerce de l’Amérique.