Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’éclat avec celles du petit château voisin, badigeonné de jaune et qui appartenait aux marquis d’Orangis. Jasmin avait la coquetterie de sa flore. Dès le printemps il exposait sous la treille, appuyés à la façade du logis, des petits « théâtres de fleurs » : assemblages de plantes qui s’élevaient sur des gradins les unes derrière les autres, en sorte que l’œil et la main se pouvaient porter partout sans obstacle. Il y mettait des oreilles d’ours, des renoncules d’or, des anémones ; elles alternaient avec les tulipes jaspées qui éclairaient de leur flamme cette parade printanière. Un marronnier d’Inde abritait l’étal qu’eût dévoré le soleil. En été Jasmin disposait sur les gradins les œillets rouges, les glaïeuls et la campanule-carillon. L’automne y faisait épanouir les géraniums, les tricolors, les chrysanthèmes.

Or ce jour de septembre le jardinier se leva avec le soleil. La veille, avant de retourner au château, Martine Bécot, la chambrière de Mme d’Étioles, lui avait dit en ouvrant des yeux cajoleurs :

— Je suis en peine, Jasmin ! Il me faut demain des fleurs roses pour orner le phaëton de ma maîtresse. Je ne sais où les trouver !

Buguet s’était planté un œillet au coin de la bouche et avait répondu, fanfaron :

— Je te donnerai toutes les fleurs de mon jardin, si tu viens prendre celle-ci avec tes dents !