Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/254

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— Peuh ! vous écoutez trop les gens qui croient à tout et vous vous faites des idées noires !

— Des idées noires ! Avez-vous vu déjà le peuple furieux ? Non ! Ah ! Moi, j’ai frôlé des gaillards qui faisaient rage dans les rues et qui parlaient d’élever des barricades et de porter sur des piques les têtes des nobles !

— Vraiment !

— Ah ! oui ! C’était des crève-de-faim et des va-nus-pieds ! Que voulez-vous, quand l’estomac crie et que les pieds saignent !

— Ils feraient un jour des choses pareilles ?

— Ma foi, j’en ai bien peur !

Jasmin pâlit. Il vit une tête exsangue, terrible, le col rouge, au-dessus d’une canaille noire que dominaient des poings crispés.

— Pourvu que cela n’arrive pas, se dit-il. Malgré tout j’en mourrais aussi.

Le lendemain, au lever du soleil, Jasmin et Martine naviguaient dans le coche d’eau au long de la plaine de Juvisy. L’aube blafarde éclaira le chemin de halage, où pataugeaient les chevaux.

Sept ans auparavant, Jasmin, par une matinée de juin, avait voyagé là, plein d’espoir. Aujourd’hui il remontait la Seine l’âme navrée. Le rêve était brisé, les illusions étaient mortes, l’enchantement s’était évanoui. Il lui restait au cœur une blessure profonde