Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/264

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Martine s’approcha de Jasmin. Elle lui remit l’objet qu’elle tenait. C’était un coquet miroir encadré d’écaille que la marquise de Pompadour avait abandonné à la soubrette parce qu’il était fêlé. Le jardinier jeta un regard triste sur la glace brisée, puis, se penchant vers sa mère, qu’il baisa au front, il le lui mit au-dessus des lèvres.

— Vois, Martine, elle respire. Le miroir est terni !

À ce moment le curé entra. Martine et Jasmin soulevèrent la malade sur l’oreiller. Elle soupira :

— À boire !

Une lueur passa dans les yeux de Jasmin. Avec une cuiller, Martine fit prendre à la Buguet deux gorgées d’eau à la fleur d’oranger. La vieille rouvrit les yeux, regarda son fils :

— Ah ! J’ai trop dormi ! J’ai trop dormi ! Donne tes mains !

Mais elle ne tendit pas les siennes. Comme deux chauves-souris abattues qui cherchent l’ombre, elles couraient incertaines sur le drap de grosse toile ; elles le saisissaient, le tiraient dans un vague désir d’ensevelissement, qui n’aboutissait pas et renaissait toujours avec la même ardeur impuissante.

— Laissez-nous seuls, dit le curé.

— Non ! Qu’ils restent ! Ah ! J’ai trop dormi, soupira la mourante.

Comme ses paupières étaient closes, Martine et Jasmin s’éloignèrent sur un geste du prêtre.