Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mois. Une ère fleurie semblait renaître. Il vint de Paris quelques vagues espérances. Une fête avait eu lieu au Champ-de-Mars, où le Roi avait embrassé les représentants de la commune et les fédérés des départements. On se répétait jusqu’à Boissise les inscriptions patriotiques de l’arc de triomphe. L’Assemblée constituante ayant aboli les titres, les armoiries, les livrées et les ordres de chevalerie, Pierre Règneauciel affecta d’appeler le seigneur du village « citoyen Orangis ».

Mais peu après les manants virent plusieurs berlines attelées chacune de six chevaux s’arrêter devant le château. Le marquis descendit de l’une d’elles, botté à l’anglaise, sanglé dans un habit vert-dragon, les jambes serrées en une culotte de peau de daim. Il portait un chapeau rond qu’il s’enfonça, d’un geste colère, en pénétrant dans son parc.

Les valets hissèrent de grosses malles dans les voitures. Des villageois vinrent regarder. Les laquais les chassèrent avec furie.

Quand les berlines furent chargées, elles partirent au galop.

Pierre Règneauciel courut derrière le cortège en agitant un vieux pistolet sans amorce :

— Ils émigrent ! Ils émigrent !

Il revint essoufflé devant l’église et cria :

— Vive la nation !