Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— J’ai fait prévenir Étiennette Lampalaire. Elle nous aidera. Ce n’est point une engourdie.

Jasmin alla dans le petit hangar prendre son échelle : il la mit contre un grand pommier, puis il fixa son panier à un crochet pour le suspendre aux branches. Il monta ; l’arbre croulait sous le poids des fruits. Avec précaution, Jasmin cueillit les pommes, les déposa dans une corbeille sans les froisser : car « toute blessure est pourriture », il savait cela de naissance.

Quand les paniers furent remplis, la Buguet en prit un à chaque bras et s’achemina vers la maison. Elle rangea les calvilles sur les claies, la queue en l’air. C’était une brave femme. Elle avait travaillé dur avec son homme, qui « avait parfois des turlutaines ». Pensez ! Il était le neveu d’un maître d’école, il savait lire ! Savoir lire ! Une mauvaise affaire qui mange le temps et déroute l’esprit ! Ainsi, pendant que feu Buguet tenait le nez penché sur un bouquin, l’ivraie poussait, et si dru que souventes fois la bonne épouse vit des semis entiers étouffés par les bleuets et les pieds d’alouette : son mari les voulait respecter parce que les bleuets ressemblaient à ses yeux, à elle (ah ! ça la faisait rire ! ) et que les pieds d’alouette donnaient une légèreté aux fleurs des plates-bandes ! Tout ça, des idées qui coûtent cher au bout de la vie ! Son fils aussi avait parfois l’air d’un songe-creux. Tout le monde