Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/37

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cependant aimait Jasmin, il était de bon caractère ; puis — ce qui devient rare ! — il savait son métier.

— Bien sûr, s’il a la protection d’un duc ou d’un surintendant, il ira loin ! disaient les gens.

Mais il arrivait à Jasmin de se montrer distrait, même triste. Ces dernières semaines surtout. Plus de sourire, plus de gaîté ! Il réfléchissait à Dieu sait quoi ! C’était depuis la chasse royale. Avait-il envie de se faire piqueux ou chevau-léger ? Folie, lorsqu’on possède un bon métier et qu’on est sûr d’avoir chaque jour sa croûte à rompre et son lit bien chaud. Aussi La Buguet ouvre l’œil ! Elle espère vivre assez longtemps pour marier son fils à une bonne ménagère, qui « veillera au grain ».

Mais Tiennette arrive. Ses cheveux noirs, déjetés par le vent, le sourire clair de ses lèvres retroussées, son visage hâlé, ses yeux bruns et espiègles : tout brille. Sous le corsage de l’enfant qu’elle est encore, les seins de la femme poussent déjà. Aussi un matin qu’elle portait du lait au château, le vieux marquis d’Orangis invita la fillette à partager sa crème au houacaca, laquelle est faite d’une poudre composée de cannelle et d’ambre qui vient du Portugal et réchauffe les sens. Tiennette raconta depuis que le vieillard l’avait embrassée bien fort, le gobelet vidé, puis qu’elle s’était enfuie.

Aujourd’hui souriante elle aborde la mère Buguet :