Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/43

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Jasmin devint silencieux. Ah ! Mme d’Étioles a prononcé son nom : Jasmin Buguet ! Pour la première fois ce nom paraît fleuri au jardinier. Il sourit à des visions douces, à un bonheur secret. Le paysage prend à ses yeux une splendeur ravie. Buguet regarde avec plus de joie les vignes : ces petites fées vertes, qui, pendant les hivers sans soleil, versent le rêve aux mortels en des boissons rouges, aujourd’hui se drapent dans leur feuillage bordé de pourpre. Elles grimpent à pic sur le coteau pierreux d’où l’argile rouillée s’éboule ; en procession elles s’appuient sur leurs échalas d’acacia ivres du vin contenu dans leurs mamelles.

L’œil du garçon brille, sa physionomie s’éclaire. Il ose insinuer :

— Mme d’Étioles se souvint de mon nom ?

— Ne te l’ai-je pas dit ?

— C’était dès le soir de la chasse ?

— Ce soir même. Je dégrafais sa robe. Elle jetait ses bagues dans un coffre. « Martine, dit-elle, j’ai rencontré le jardinier qui t’a donné les lauriers pour mon phaëton. Il s’appelle Jasmin Buguet, n’est-ce pas ? » Je rougis. « Pourquoi as-tu honte ? » continua Madame. Elle sourit : « C’est un joli garçon ! Et ma foi il fut, lors de mon accident de voiture, fort civil ! »

Jasmin exultait.