Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/73

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Versailles celui qu’on appelle le grand Bourbon fut saisi avec les meubles du Connétable et vendu. C’était le plus bel arbre qu’il y eût en France et il avait soixante-dix ans. À l’époque de Jasmin il vivait encore, ce qui lui faisait trois siècles. À Fontainebleau on voyait des orangers plus vieux que les carpes aux bagues d’or, et déjà splendides au temps du roi François Ier !

Jasmin rêvait de fleurs aux arômes musqués, aux blancheurs nuptiales, de balles d’or auxquelles il mêlait les cuivres pâles des limons et des citronniers. Il s’étourdissait en pensée avec des parfums et des couleurs, mariait les vermeils aux verts sombres des feuilles, faisait éclater des jaunes. La cervelle en fête, il lui arrivait de chanter à la lueur des oribus, dans l’humble salle où régnait une odeur de lard grillé.

Ce soir-là Jasmin continua sa lecture très tard. Vers dix heures la mère Buguet alluma sa chandelle et se retira d’un air grognon :

— Tu ne te couches pas, Jasmin ?

— Point encore !

— Ah ! tu vas devenir savant !

Lorsqu’il fut seul, Jasmin ferma les livres et les remit en place, songeant aux jardins fruitiers alors renommés, ceux de Versailles, de Saint-Cloud, de Meudon, de Sceaux, de Chantilly, aux grands Mécènes des horticulteurs, Louis XIII, Louis XIV, Louis