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Ah ! du moins ton troupeau, comme toi malheureux,
À tes pieds étendu lève sur nous les yeux ;
Ne le méprise pas : tu sais, divin poète,
Que le bel Adonis a porté la houlette.
Les pasteurs de taureaux arrivent à pas lents,
Et Ménalque chargé d’une moisson de glands :
Ils t’interrogent tous. Vint le dieu du Permesse :
« Quel fol amour, Gallus ! l’objet de ta tendresse,
Ta Lycoris, dit-il, à travers les frimas,
Et dans l’horreur des camps, d’un autre suit les pas. »
Le vieux Sylvain paraît près du fils de Latone :
Sur sa tête il agite une agreste couronne
Où s’enlacent des lis aux férules en fleur.
Vint le dieu d’Arcadie : une ardente couleur[1]
Et le sang de la mûre avaient peint son visage ;
Nous l’entendîmes tous lui tenir ce langage :
« C’est trop gémir ; l’Amour se rit de tes douleurs,
Gallus ; ce dieu cruel se nourrit de nos pleurs,
Ainsi que du buissons la chèvre vagabonde,
L’abeille de cytise, et les gazons de l’onde. »

Lui, tout triste, répond : « Ah ! bergers de ces champs,
Arcadiens, qui seuls charmez par vos doux chants,
À vos monts, à vos bois vous conterez mes plaintes ;
Vos chansons de mon sort calmeront les atteintes.
Que mes os sous ces rocs dormiraient mollement
Si vos pipeaux un jour redisaient mon tourment !
Que ne suis-je un de vous, pasteur dans vos prairies,
Ou dépouillant vos ceps de leurs grappes mûries !
Du moins j’aurais brûlé pour Amynte ou Phyllis.
Amynte est brun ; qu’importe ; on cueille près du lis

  1. Du vermillon.