Page:Deraismes - A bon chat bon rat.djvu/17

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doute un touriste en excursion ; il aura vu de loin cette maisonnette, et il vient s’y reposer quelques minutes.

(Elle continue de feuilleter un livre.)
OCTAVE, faisant une légère inclination de tête.

Elle m’a vu et elle reste ; c’est assez désagréable. (S’asseyant.) Elle a toute l’aisance d’une personne qui se croit chez elle. Ces Anglaises ont un sans-gêne incroyable. Aurait-elle l’habitude de venir ici chaque matin ? Dans ce cas il me faudrait subir l’ennui de sa conversation. My dear. Je suis en veine de misanthropie. D’ailleurs elle est laide, cette femme, et elle serait belle, que je ne la rechercherais pas davantage.

ANTOINETTE, à part.

Je crois vraiment qu’il s’installe ! Ces voyageurs ont parfois un laisser aller qui étonne ! Si je partais ? Non. Il fait froid, le mistral souffle au dehors, et un bon feu brille à l’âtre. Pourquoi donc céderais-je la place à ce monsieur ?

OCTAVE, à part.

Comment faire pour m’en débarrasser ? (Se levant et regardant le ciel.) L’horizon s’assombrit. Oh ! l’excellente idée. (Haut.) Je crois que d’ici à une demi-heure, le temps sera très-mauvais, et qu’il serait sage de regagner son logis, surtout s’il est éloigné. (À part.) Bien trouvé.

ANTOINETTE.

C’est aussi mon opinion, et je crois, monsieur, que vous n’avez pas un instant à perdre.

OCTAVE, à part.

Ce n’est pas une Anglaise. (Haut.) Pardon, madame, il n’était question que de vous ; je vous donnais un simple avis, voilà tout. La constitution des femmes est plus délicate que la nôtre, et la perspective d’un orage quand on est sans abri n’a rien de rassurant.