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ève

rester témoin passif des faits et gestes du père. Celui-ci peut maltraiter son enfant, lui refuser le nécessaire, négliger son éducation, le surmener dans ses études, l’éloigner, lui faire traverser les mers, le faire engager comme mousse, etc., la mère ne peut y mettre obstacle ; il ne lui est permis que de prendre de l’influence. Mais cette influence, si une autre l’exerce à sa place, elle se trouve élaguée de toutes les mesures prises, et elle reste dans la plus radicale impuissance au sujet de la chose qui la touche de plus près et qui l’intéresse le plus au monde.

Ce n’est qu’à la mort du père qu’elle succède à la puissance, si toutefois son mari, par une disposition testamentaire, n’impose pas à la mère un conseil de famille qui paralysera tous les actes de la tutrice. La puissance lui revient encore de droit en présence d’une absence prolongée du père, ou par son interdiction judiciaire ou légale, une condamnation correctionnelle pour excitation à la débauche de ses propres enfants. Et cependant, dans ces cas, la mère n’exerce l’autorité qu’avec restriction, puisque, pour faire détenir l’enfant, elle ne peut user que de la voie de réquisition.

Vous le voyez, Mesdames, dans toutes les phases de votre viee, la loi vous déclare incapables. Et, en vérité, on peut dire que tout le temps vous ne faites que changer d’incapacité. Mineures, vous étiez incapables sous la puissance paternelle ; mariées, vous êtes incapables sous la puissance maritale ; mères légitimes, vous êtes incapables de nouveau, en vous retrouvant face à face avec une seconde puissance paternelle.

Cette loi est éminemment immorale, parce qu’elle diminue et amoindrit ce qui constitue la dignité d’un être, et parce que la mère naturelle ayant droit a exercer la puissance, on met l’honnête femme à même de regretter d’être entrée dans la légalité.