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dans l’humanité

Parlant des droits de l’enfant, il m’était impossible de garder bouche close sur les droits de la mère. Je reprends.

Le droit du père rayonne donc uniquement, et il est tellement absorbant que le pauvre petit article 203 vient s’y fondre et s’y engloutir tout entier. En effet, qui surveille donc l’exécution des conditions qui y sont stipulées ? Personne. La famille est un sanctuaire, etc. Vous connaissez la ritournelle.

La conduite du père, faute de contrôle, est donc absolument facultative, et l’on conçoit vite, d’ailleurs, qu’il existe bien des façons insuffisantes d’élever, de nourrir et d’entretenir un enfant. L’enfant a assez de vitalité en lui-même pour supporter, sans mourir, des privations, des mauvais traitements. Sans nul doute, sa constitution sera affaiblie ; mais qui donc plus tard recherchera les causes de cet affaiblissement ? Toujours personne. Et ce n’est pas tout. Ces mots élever, nourrir, entretenir, n’impliquent pas nécessairement les idées d’instruction, de savoir, ni même de connaissance d’un état. C’est en cela que le Code de la Convention avait fait preuve de plus de prévoyance, quand il avait prescrit aux parents de faire apprendre un métier à leurs enfants. L’état, le métier, la profession, n’est-ce pas l’outil de la vie ? Sine quà non.

Ah ! si nous avions l’instruction obligatoire, l’arbitraire du père serait déjà fortement entamé[1] !

Mais cette obligation, qui était dans les premières mesures à prendre, nous ne l’avons pas encore. Et comme nous l’attendons depuis six ans, voici encore une génération perdue.

Il est des parents grossiers, ignorants, abrutis qui ne se font aucun scrupule de laisser leurs enfants

  1. La loi n’était pas encore promulguée.