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ève

grossiers et ignorants comme eux. « Nous avons bien vécu comme ça, disent-ils, eh bien ! ils feront comme nous ! » Ils ne sont point barbares pour cela, ils sont insouciants.

D’autre part, il pullule des pères cupides, avares, qui n’entendent faire aucun sacrifice. Ceux-là sont les premiers à exploiter les forces de leurs enfants à leur profit. Plus d’un en fait des serviteurs dans sa maison sans plus s’occuper de leur avenir. Certes, il y a des distinctions à établir. Dans les classes élevées, par exemple, l’amour propre, le respect humain, le besoin de considération tiennent lieu de tendresse dans les familles, et les enfants, quelle que soit la froideur des pères, reçoivent toujours une instruction convenable. Il n’en est pas de même dans les autres catégories de la société.

Donc, ce qui frappe le plus dans cette étrange législation, c’est que l’enfant se trouve seul engagé ; car si les parents ne font que le demi-quart, que le seizième de ce qu’ils pourraient et devraient faire, l’enfant reste obligataire aux mêmes termes, et ses devoirs envers eux restent tout entiers. Et ses devoirs ne sont pas légers : c’est l’obéissance passive, l’acceptation des corrections sans réclamation possible, l’abandon complet de la direction de ses forces et du choix d’un état, l’obligation de demander le consentement des parents pour le mariage, et celle, bien plus lourde encore, de subvenir à leurs besoins quand ils sont dans l’impossibilité d’y pourvoir.

Il est donc clair que, dans les rapports qui se tiennent entre les parents et les enfants, tout caractère de gratuité disparaît pour faire place à l’échange : le prêté pour le rendu. Les parents font crédit à l’enfant jusqu’au jour où celui-ci sera en mesure d’acquitter sa dette. C’est ainsi que les parents jouissent des biens