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Page:Deraismes - Eve dans l humanite - Les Droits de l enfant.pdf/345

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ève

Entre ces trois rouages se trouvent broyés, plus d’une fois, la vigueur, l’intelligence, le moral de l’enfant.

On peut s’étonner, à juste titre, que le premier soin d’une civilisation ne soit pas d’assurer les meilleures conditions possibles au développement des jeunes générations. Qui a donc fait la civilisation ? Qui a donc produit ces merveilles de la philosophie, de la science, des lettres, des arts, de l’industrie ? N’est-ce pas l’humanité dont les plus brillants phénomènes de production s’arrêteraient net le jour où la majorité de l’espèce dégénérerait ? Épuiser l’enfant est aussi absurde que manger son blé en herbe, rien de plus évident au point de vue seul de l’intérêt des sociétés ; et au point de vue solidaire et fraternel, c’est absolument élémentaire, à moins de tirer à honneur d’être classé parmi les sauvages.

Cependant, cet acte de sauvagerie, notre siècle l’a accompli à sa grande honte. Un intérêt matériel mal compris, une concurrence poussée à outrance ont compromis l’avenir de notre espèce. En 1841, de bons esprits et de grands cœurs appelèrent l’attention du législateur sur un état de choses si déplorable.

On s’étonnera certainement qu’il ait fallu édicter une loi de protestation contre le travail des enfants dans les manufactures pour enrayer les abus dont ceux-ci étaient victimes. On se demandera comment, dans des centres industriels, les patrons, les chefs n’avaient pas eux-mêmes pris l’initiative pour constituer une organisation conforme aux sentiments de l’humanité et du progrès.

Une loi fut donc promulguée, mais incomplète et défectueuse. Cependant, tout insuffisante qu’elle était, elle eût rendu de réels services, si elle eût été appliquée. Elle tomba en désuétude avant que d’être mise en