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dans l’humanité

Chambre, n’employait-il pas lui-même, pour le dévidage des cocons, des petites filles de huit à dix ans dès trois heures du malin ? On eut bien soin de dissimuler toutes ces misères. On célébra, au contraire, les sentiments généreux, la sollicitude attentive des industriels pour l’enfance. On vanta le cœur des parents, le cœur des patrons, le cœur des ouvriers, le cœur des députés. Jamais on n’avait vu pareille réunion de cœurs tendres ; c’était à faire pleurer les murailles. Tout naturellement, on se demandait pourquoi, si chacun avait si bien fait son devoir, on avait perdu un temps toujours si précieux — irreparabile tempus — à nommer une commission, à élaborer une loi, à la discuter, puisque tout était pour le mieux dans la plus paternelle des industries possibles.

Par une de ces interversions dignes des émules de Loyola, l’Assemblée n’avait plus qu’une peur, celle de céder aux entraînements d’une sensibilité irréfléchie et exagérée. Alors on mit en avant les nécessités industrielles.

J’aimerais assez qu’on n’employât ce mot que dans son sens propre.

Les lois de l’univers sont nécessaires et conséquemment des nécessités, parce qu’elles sont au-dessus des volontés, qu’elles sont inaccessibles à toute modification, à toute fluctuation, à tout changement, et que c’est de cette immutabilité que dépendent l’ordre et l’harmonie de l’univers. Nous appelons encore nécessaires et nécessités toutes les choses auxquelles nous ne pouvons nous soustraire et que nous devons fatalement subir.

En dehors de cette acception véritable, le mot nécessité, employé incongrûment, déguise toujours quelque infamie ou quelque iniquité.

Il y a eu des nécessités religieuses, et l’on égorgeait