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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/140

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CÉLINE.

Je vous assure, monsieur…

LE PRÉSIDENT Donnez-la-moi, donnez-la-moi, ou malheur à vous ! (Cécile, effrayée, lui donne la lettre, le président la prend et la lit.)

« À monsieur

Jacques Orthez. » L’écriture de ma fille !… Mais que peut elle lui dire , lui demander ? Ô mon Dieu ! qu’y a-t-il ! (Il la décachette.) « Vous m’avez déshonorée, séduite, je suis perdue, car vous ne m’aimez pas. Je me meurs. » Mais non, ce n’est pas possible ! je suis en proie à un horrible délire ! (Apercevant Céline) Sortez, sortez ! (Céline s’enfuit épouvantée.)



Scène XIII.

LE PRÉSIDENT, seul. Grand Dieu !je suis fou, j’ai mal vu, j’ai mal lu. (Il tire les rideaux, ouvre les fenêtres.) J’ai comme un voile sur les yeux. Mais non, c’est vrai… ma fille, ma fille perdue, séduite par ce misérable !… Comment cela est-il arrivé ? N’avais-je pas tout prévu, n’était-elle pas entourée, cernée, pour ainsi dire ? Par quelle odieuse machination l’a-t-il surprise isolée ? Quelle magie, quelle fascination a-t-elle subie ? car elle est pure, naïve, ma Renée ; dans quel piége l’a-t-il fait tomber, le lâche ! Mais ce que j’éprouve, c’est de la rage ! J’étais père par la joie, je ne le suis plus que par la douleur. Depuis que cette femme est entrée dans ma maison, je ne vis plus ; j’ai pressenti je ne sais quel malheur. Hélas ! moi-même, il y a vingt ans, je fus coupable, je l’abandonnai, l’infortunée.