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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/21

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CÉLESTIN.

Ah oui ! joli ! ils sont de mauvaise humeur du matin jusqu’au soir.

BAPTISTE.

Mes enfants, vous n’y entendez rien, c’est du faux chagrin alors. J’étais chez une dame qui venait de perdre son mari ; celle-là, c’était une vraie veuve. V’là comme j’aimerais être pleuré, moi.

CÉLESTIN.

Eh bien, chacun son goût, j’aime mieux pleurer les autres.

LÉON.

Et moi aussi.

BAPTISTE, continuant

En v’là une condition que je regrette, pas de surveillance. Madame n’avait plus l’œil à rien ; le plumeau, le balai, la brosse, enfin tous les instruments de notre supplice étaient en vacances, quoi ! Madame ne sortait plus ; c’était nous qui nous servions des chevaux. Un jour pourtant, madame me dit comme ça, en regardant à droite et à gauche : Mais, Baptiste, il me semble que je vois de la poussière ici ! Ah ! madame, que je lui répondis en m’essuyant les yeux avec mon tablier, depuis que monsieur est mort, on n’a plus de courage à rien ; ça la fit sangloter, la pauvre femme.

CÉLESTIN.

Eh bien, fallait y rester chez ton saule pleureur.

BAPTISTE.

C’est ce que j’aurais fait, mais tout ça n’a pas duré ; on les oublie bien vite, ces pauvres morts, allez ! Au bout d’un an, madame se remariait. Sans cœur, va ; aussi, j’en suis sorti.

LÉON.

Ah ! jusqu’à présent, nous n’avions pas trop à nous plaindre,