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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/226

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signal, se rendaient en foule sur le port. La tempête était ter rible, le ciel et la mer se confondaient dans une noire vapeur, et les mugissements lugubres des vagues glaçaient les esprits de terreur. On alluma des torches, et à l’aide des éclairs qui déchiraient la nue, on distingua quelques débris de navire, auxquels étaient cramponnés de malheureux naufragés. On s’efforça, en vain, d’opérer le sauvetage ; un petit nombre de victimes put être arraché à la mort, le plus grand nombre disparut dans les flots. Pourtant un infortuné luttait encore, avec une énergie incroyable, contre l’élément déchaîné. Aller à son secours présentait une mort certaine, plusieurs hardis matelots avaient perdu la vie en tentant de nouveaux efforts. Chacun alors refusa de s’exposer à de pareils dangers. Un homme s’élance alors, l’anxiété de tous est terrible ! montant avec la vague, retombant avec elle, il avance toujours et par vient jusqu’à celui qu’il veut sauver. Pendant quelques secondes ils semblent engloutis dans l’abîme ; un cri d’angoisse s’échappe de toutes les poitrines. Mais, Dieu merci, ils reparaissent tous deux à la surface, et le sauveur, avec des prodiges d’adresse, touche enfin le bord. Le sauveur, c’était M. Evrart ; le sauvé, c’était mon père.

Mme DE SORIEU.

Qu’entends-je !

HORACE.

Oui, M. Evrart, que ni la pensée de sa femme, ni celle de son enfant n’avaient pu arrêter dans sa générosité. Riche, heureux, aimé, il avait cédé à un de ces élans sublimes qui élèvent l’humanité au-dessus d’elle-même. Les mots sont impuissants pour exprimer la reconnaissance. Vingt-cinq ans après cet événement, mon père pouvait enfin la manifester.

Mme DE SORIEU.

Oh ! mon Dieu !